CCOB/COBS

Musicologie et Politique
Musicology and Politics

Le troisième espace: repenser la pratique du gamelan et la recherche en Amérique du Nord

Laurent Bellemare
OICRM, Université de Montréal (UdeM)

Avec la prolifération des gamelans au sein d’universités en Amérique du Nord depuis l’après-guerre, un véritable réseau culturel s’est développé à travers le continent. Ambassadrices des arts de l’Indonésie, ces communautés non-diasporiques négocient souvent ce mandat avec un désir d’émancipation créative. La longévité du gamelan outremer et la richesse de son répertoire nouveau ont amené plusieurs musiciens-chercheurs à en faire un objet de recherche. Toutefois, la participation à un tel ensemble place le musicien dans une position à la fois privilégiée et difficile. D’emblée, la nature d’un gamelan nord-américain est difficile à circonscrire, car ceux-ci se constituent généralement de deux pendants : académique et communautaire. Au-delà de ces considérations ontologiques, l’intégration d’un savoir-faire musical d’une autre culture dote le chercheur de connaissances intuitives qui se heurtent à la méthodologie conventionnelle de recherche. Ainsi, ces savoirs corporels sont difficilement transmissibles en mots. Même armé d’expérience de terrain en Indonésie, le chercheur est confronté aux limites de la démarche ethnomusicologique dans l’étude d’une musique désormais mondialisée. La tradition de gamelan telle qu’elle a été naturalisée en occident se trouve ainsi dans une zone grise entre représentation et réappropriation, position qui s’inscrit dans un processus global de transformation du gamelan.


5m 0s

Médiation de la musique et émancipation dans l’organisme Oxy-jeunes : analyse de la création collective du titre « I Know ».

Emilie Gomez
OICRM, Université de Montréal (UdeM)

Dans sa dimension critique, la médiation culturelle poursuit des objectifs politiques et militants (Casemajor, Dubé, Lamoureux, 2017) qu’elle partage avec l’éducation populaire et l’animation socioculturelle (Bordeaux, 2017) ou encore le champ du travail social (Montaya, Fugier, Sonnette, 2015). L’expression artistique et culturelle peut alors être considérée comme un moyen pour les individus de développer leur « pouvoir d’agir » (Le Bossé, 2015) et se veut vecteur « d’empowerment » (Bacqué, Biewener, 2013). Dans ce cadre, la musique semble particulièrement plébiscitée (Belhadj-Ziane et al., 2015), et plus précisément la chanson souvent choisie comme lieu d’expression de soi au service de discours collectifs (Giroux, 1993, Prévost-Thomas, 2008). La médiation culturelle, la musicologie, la sociologie et l’intervention sont ici mobilisées pour analyser un atelier musical de composition de chanson proposé par un organisme jeunesse communautaire visant l’expression personnelle, le développement du pouvoir d’agir et l’inclusion sociale de ses bénéficiaires. Comment un atelier de composition musicale se fait-il vecteur d’empowerment et de changement social ? Les entretiens d’explicitation avec les artistes-mentors, les gestionnaires de l’organisme et les jeunes permettent d’identifier la gouvernance, l’approche des artistes et le milieu de création comme trois niveaux de réponse qui seront présentés dans un outil de navigation interactif.

Construire un Portugal musical : L’implication des compositeurs dans la mise en place des politiques culturelles avant l’Estado Novo

Matilde Legault
OICRM, Université de Montréal (UdeM)

À son arrivée au pouvoir en 1933, Salazar érige un gouvernement totalitaire et instaure une propagande culturelle en instrumentalisant les arts considérés comme typiquement portugais, tels le fado. Il crée aussi la Rádio televisão de Portugal afin de mieux manipuler le peuple, de manière médiatique et culturelle. Dans un contexte politique marqué par le développement de la radio à l’échelle nationale (Garcia, Alves et Léonard 2017), de nombreux compositeurs sont appelés à jouer plusieurs rôles (critiques musicaux, animateurs de radio, etc.) dans la vie culturelle portugaise de l’époque afin d’obtenir une certaine notoriété auprès du gouvernement. Si certain.e.s auteur.trice.s affirment qu’il existe de la création d’œuvres classiques à des fins politiques et activistes portugaises (Deniz Silva 2005, Aguiar et Vieira 2018), personne n’a encore étudié les activités politico-culturelles des compositeurs et artistes actif.ve.s au cours de l’Estado Novo. C’est ce que je propose de faire dans ma thèse. Cette communication s’inscrit comme une revue de littérature de mon projet de doctorat, effectuée dans le but de mieux cerner l’état des connaissances entourant les rôles des compositeurs. J’analyserai ainsi les activités culturelles et politiques des artistes telles qu’exposées dans la littérature secondaire (Moody 1996, Vieira de Carvalho 2001, Deniz Silva 2016).

5m 53s

Heloïse Rouleau
OICRM, Université de Montréal (UdeM)

En 1990, le rappeur belge Benny B revendique la présence de la communauté hip-hop dans la sphère publique avec Vous êtes fous!. Celle-ci s’insère pour une première fois grâce à la musique dans les médias de masse. Si le graffiti et le breakdance sont les premiers arts pratiqués par la communauté hip-hop belge, le rap lui donne une place dans le discours dominant (Grimmeau et Quittelier, 2017). La pratique musicale se présente donc comme opération de constitution de visibilité (Voirol, 2005). Quels procédés permettent alors aux rappeur-ses belges de devenir visibles au-delà de leur environnement? L’articulation de ces codes sociomusicaux se fera d’abord à travers les concepts de visibilité et de reconnaissance (Honneth, 1992). En analysant un corpus composé d’albums s’étant hissés dans les palmarès, nous évaluerons ensuite la négociation des codes d’un rap mainstream avec les trois pôles esthétiques que sont la superposition sonore, le flow et la rupture (Rose, 1994). Le développement de l’esthétique, des thèmes et du militantisme d’un rap moins marginal permettra de mieux comprendre dans quelle mesure ses codes pénètrent la culture dominante en se conformant à l’ordre établi, et ainsi d’avoir une meilleure compréhension contemporaine critique de sa résurgence actuelle (Ultratop, 1995 à 2019).

Chants traditionnels inuit et sonorités indie-rock dans les chansons de Beatrice Deer: à quoi ça rime?

Simon Labontee
OICRM, Université de Montréal (UdeM)

L’actuel projet vise à soulever les logiques qui sous-tendent les choix esthétiques effectués par l’artiste lors de la création de chansons. Ici, je tente de comprendre l’articulation entre chants traditionnels inuit et sonorités indie-rock dans la musique de Deer. L’hypothèse avancée suggère que l’étude des choix esthétiques, en contexte interculturel, devrait s’attarder au contenu identitaire cognitivo-affectif de l’artiste. À des fins d’analyses, il est impératif de dégager les éléments constitutifs du système identitaire, leur organisation et leurs modes opératoires. C’est par entretiens oraux et analyses d’entrevues accordées par l’artiste que cette organisation identitaire, selon une méthode psycho-contextuelle, pourra être dégagée. Ainsi, il sera possible d’étudier les liens entre identité sociale, objet musical et contexte socio-culturel de création. Ce projet propose une méthode claire pour l’étude du rapport entre identité et création musicale. Deux tendances se dessinent jusqu’à maintenant : l’affirmation culturelle semble être un élément moins central à la création que la majorité des travaux sur le sujet le proposent et une distinction significative émerge entre les logiques de création et le discours sur la musique. Il semble donc nécessaire de s’attarder au contenu de l’identité sociale d’un artiste pour saisir pleinement le métissage culturel apparent dans sa musique.

6m 21s

Nouvelles perspectives sur la scène techno montréalaise : du populaire à l'underground, entre unité et cohabitation

Elsa Fortant
OICRM, Université de Montréal (UdeM)

Les musiques populaires peuvent s’étudier à la lumière de différentes disciplines : histoire, sociologie, technologie ou encore analyse de texte. Elles peuvent aussi être perçues comme un élément autour duquel se crée une scène (Straw, 2004) musicale. Nous nous intéressons à la scène techno montréalaise. De quelle façon l’étude de cette scène peut-elle nous renseigner sur la musique techno ? Cet exercice particulier nous oblige à ouvrir nos méthodes de recherche à d’autres champs que celui de la musicologie. Afin d’en apprendre plus sur la façon dont la techno s’ancre à Montréal, nous fréquentons la scène depuis 2014 et avons entamé une période d’observation participante avant la pandémie. Nous avons diffusé un questionnaire sur Internet (n= 336). Au terme de quinze entretiens semi-dirigés réalisés cet automne, au cours desquels nous avons utilisé le procédé de photo-élicitation (Harper, 2002), nous avons approché les représentations sociales (Seca, 2003) d’amateurs.trices de techno sur la scène par l’image. Nous avons fait le même exercice avec la musique pour saisir le sens que les auditeurs.trices lui donnent. Cette percée dans la scène techno montréalaise nous a permis d’interroger la définition de techno, de cartographier ses lieux de diffusion, de découvrir les publics montréalais et leurs pratiques. Nos résultats nous amènent à penser qu’il n’existe pas une scène techno mais plusieurs.

6m 14s

Contact
ccob.cobs@gmail.com
Organizing Committee
Charlotte Bigras, Margot Charignon,
Maria Carolina Rodriguez Escobar & Eduardo Meneses
Programmation
Charles Campeau-Bedford